Un spectacle de la Compagnie Béo Aguiar (Bénin) et Alvéole Théâtre (Belgique)

Le projet politique du spectacle

« Vidomègon », « Enfant placé », en Fon, la langue nationale du Bénin.
A cette traduction littérale, il faut malheureusement ajouter « Enfant maltraité, enfant exploité… ».

Actuellement, au Bénin, plus de 500.000 enfants, filles et garçons de 6 à 14 ans, sont exploités et maltraités par des adultes peu scrupuleux, sous le couvert de la tradition.
En effet, autrefois, des enfants issus de familles pauvres étaient confiés à des proches plus aisés ou à des tuteurs qui devaient leur assurer une instruction scolaire en échange de tâches domestiques quotidiennes. Au fil du temps, ce principe basé sur la solidarité a été perverti en un trafic juteux par des trafiquants qui promettent aux parents désœuvrés une vie meilleure pour leur progéniture. Pour rassurer des parents crédules, il arrive que certains malfaiteurs envoient la photo de l’enfant, propre et bien habillé.

Les familles perdent souvent toute trace de leurs enfants, envoyés très loin à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, pour travailler dans les maisons en tant que domestiques, dans le secteur informel, dans les plantations, dans les carrières … En échange de rien !
Cette forme d’exploitation et de maltraitance de l’enfant est cautionnée, au nom de la tradition, par une partie de la population. Pourtant, le Bénin a ratifié la Convention des Droits de l’Enfant et possède un Code du travail qui interdit l’embauche et l’exploitation des moins de 14 ans. Mais les autorités judiciaires sont dépourvues de ressources humaines, matérielles et financières nécessaires à l’application de la loi.

Le trafic des enfants au Bénin en général et, plus particulièrement dans le département du Zou, sont favorisés par :
- le développement économique du pays : de nombreux paysans sont victimes des stratégies des multinationales agro-alimentaires et n’ont plus les moyens de nourrir leur famille ;
- le faible taux de scolarisation en milieu rural, surtout chez les filles. Elles ont peu de chance d’accéder à un métier ;
- l’indifférence de tous face à la pratique pervertie de l’enfant placé ;
- l’ignorance des parents et leur crédulité ;
- l’inapplication de la loi.

Parfois, les « vidomègons » réussissent à fuir leur tuteur et se retrouvent alors dans la rue, livrés à eux-mêmes. Les conséquences de leur détention laissent, chez la plupart, des séquelles physiques et psychologiques considérables. Les filles sont souvent victimes d’exploitation sexuelle accompagnée de grossesses non désirées, de MST dont le Sida.
A Cotonou, quelques foyers pour filles les recueillent pour une courte ou longue durée, les initient à différents métiers en attendant qu’elles puissent réintégrer leur famille (quand elles la retrouvent et/ou quand elles sont certaines de ne pas courir le risque d’être à nouveau placées).

Malheureusement, l’exploitation de l’enfant pour des raisons économiques existe dans de nombreux pays à travers le monde. A l’heure de la mondialisation, où les intérêts économiques passent avant le respect des droits fondamentaux de tout un chacun, il est important que tous les états se mobilisent pour un bien-être planétaire. Car tôt ou tard, les décisions qui seront prises ici auront des répercussions là-bas et vice versa : la dette du Tiers-monde, la souveraineté alimentaire, l’agriculture, le respect des Droits de l’Homme, l’accès à la santé, l’accès à l’enseignement…

L’opinion publique internationale doit être suffisamment alertée sur la question du trafic d’enfants et de l’esclavage des plus jeunes. Ils sont les adultes de demain.

La question soulevée par « vidomègon » est à mettre en relation historique avec nos propres pratiques en Europe. Il n’y a pas si longtemps, des enfants étaient utilisés dans les mines, les industries, l’agriculture… afin de permettre aux familles les plus pauvres d’avoir des rentrées d’argent supplémentaires.
Peut-on dire aujourd’hui que chez nous cette exploitation enfantine n’existe plus ?
Cela n’est pas certain, il suffit de voir les réseaux de prostitution et de pédophilie… Mais si ces pratiques sont plus rares chez nous, il n’en reste pas moins que l’exploitation du plus pauvre par le plus riche est toujours bien présente chez nous, par le travail des clandestins ou des non-déclarés et à l’étranger, par la délocalisation d’entreprises qui se soucient peu des droits des travailleurs…

La note d’intention

Mettre en scène « Vidomègon » pour Euloge Beo Aguiar, c’est évoquer et dénoncer une histoire qu’il a personnellement vécue pendant son enfance, en tant qu’enfant placé et maltraité, auprès de son oncle à Cotonou et cela même si ses parents étaient des fonctionnaires d’Etat. Aucune couche sociale n’est à l’abri de ce drame. C’est lorsqu’il était « vidomègon » que Euloge a vécu les pires moments de sa vie. Sa propre histoire lui donne simplement plus d’expérience pour aborder ce problème crucial qui actuellement prend de plus en plus l’apparence d’un esclavage d’enfants.

Mettre en scène « Vidomègon », c’est oser alerter l’opinion publique nationale et internationale sur le drame que vivent de façon cachée des millions d’enfants à travers le monde.

La dramaturgie du spectacle

« Vidomègon » est une histoire vécue.
« Vidomègon » est l’histoire d’une famille de paysans vivant dans le centre du Bénin.
La mère souffre du départ et de l’absence de son fils car, pour surmonter les nombreux problèmes du foyer, le père vend un de ses enfants à un inconnu qui lui promet, en échange du travail de l’enfant, de veiller à son bien-être, scolarité et/ou salaire décent.
Un vrai témoignage du drame du trafic des enfants au Bénin.
« Vidomègon » est un cri, un S.O.S, un appel à l’opinion publique nationale et internationale sur le drame que vivent les enfants de familles déshéritées en milieu rural au Bénin et dont les parents ne trouvent d’autre solution que de placer et/ou vendre leurs enfants auprès d’inconnus pour les pires maltraitances.

Quel type de langage théâtral ?

La Compagnie de théâtre Béo Aguiar, dans le cadre de ses actions en faveur du développement au Bénin, s’est spécialisée dans le théâtre de sensibilisation à travers une dynamique de création collective. C’est dans cette logique que s’inscrit le projet théâtral « Vidomègon ».
Elle regroupera des comédiens professionnels de la Compagnie Béo Aguiar.
Inspiré de faits réels, « Vidomègon » est destiné, dans un premier temps, à sensibiliser particulièrement la population béninoise du Département du Zou où la question se pose avec acuité. Le spectacle sera créé en langue Fon, favorisera l’action théâtrale à la parole.
Dans un second temps, le spectacle subira une « adaptation » pour le rendre accessible au public européen lors de sa venue au FITA 2008 : il y aura toujours les différents tableaux, avec la présence d’un conteur qui racontera en français.

Euloge Béo Aguiar, auteur et metteur en scène

Né à Cotonou en mars 1969, Euloge Béo Aguiar est plus connu au Bénin et dans la sous-région ouest africaine sous le pseudonyme de « Masta Cool ».

Il est humoriste, dramaturge, scénographe et metteur en scène. A son actif une quinzaine de spectacles et cinq albums de comédie musicale, qui lui ont valu des prix mais aussi des tournées en Afrique, en Europe et au Brésil. Artiste engagé, il dirige sa propre compagnie de théâtre Béo Aguiar (C.BEO.A.) depuis 1990. Il anime des ateliers de formation et poursuit des travaux de recherche sur le théâtre rituel pour une dramaturgie spécifique à l’Afrique.

Il expérimente aussi avec des jeunes en situation difficile des quartiers défavorisés de Cotonou, le théâtre de sensibilisation pour un art au service du développement de son pays.
Il est titulaire d’une attestation de metteur en scène depuis 1993 aux Ateliers Dramatiques du Golfe de Guinée ADGG-Africréation et a obtenu le Prix du texte aux Radiophonies à Paris en 2006 avec son autre texte « PAPIERITUDES 2 ». Il a participé, en tant qu’auteur, au festival du « Jamais lu » à Montréal au Canada en mai 2007, avec son texte inédit « Seuta ».

Le projet de tournée et son public cible

Au Bénin

Le spectacle sera créé au Bénin du 1er au 31 mai 2008, en langue Fon (la langue nationale du Bénin), d’après l’écriture et la mise en scène de Euloge Beo Aguiar, avec 5 comédiens. Il partira en tournée le mois de juin à travers le département du littoral et le Zou, avec l’appui d’associations et d’ONG travaillant sur la problématique de l’enfance exploitée et maltraitée.
Le spectacle est destiné à sensibiliser les populations rurales béninoises en général et celles du Département du Zou en particulier où le problème de trafic d’enfants sévit. Ce spectacle se veut avant tout un outil de sensibilisation à destination des Béninois.

Dans le cadre du Festival International de Théâtre Action 2008

Bruna Bettiol, de la compagnie Alvéole Théâtre, ira au Bénin pour une période supplémentaire de répétitions afin de rendre accessible, au public européen, la lecture du spectacle, tout en respectant sa spécificité.
En partenariat avec l’A.M.O. Média Jeunes de Bastogne et « Annoncer la couleur », services dépendant de la Province de Luxembourg, le spectacle sera diffusé dans le circuit scolaire de la Province en partenariat avec Amnesty International.

La distribution

Euloge Béo Aguiar
Auteur, Metteur en scène et Directeur de la C.BEO.A, Euloge Béo Aguiar assume sur cette création un travail de direction artistique et aussi administrative.

Corneille Chodaton
Comédien professionnel et Premier Assistant du Directeur Artistique.

Patricia Guèdèhounguè
Comédienne, danseuse et musicienne.

Jean-Marie Hounsou, Epiphane Gaïtey, Lucien Adougbou
Comédiens professionnels et percussionnistes.

Historique du partenariat international

Le partenariat entre les compagnies de théâtre Béo Aguiar (Bénin) et Alvéole Théâtre (Belgique) trouve son origine dans le cadre d’une formation du Bureau International de la Jeunesse de la Communauté française de Belgique à laquelle un représentant de chaque compagnie a pris part à Bruxelles en 2004.

A ce jour, deux projets de théâtre ont déjà été organisés par ces deux compagnies dont l’objectif principal était de faire se rencontrer des jeunes du Bénin et de Belgique :

En août 2005, une trentaine de jeunes Béninois, Burkinabé et Belges de 15 à 30 ans se sont retrouvés à Bastogne (Belgique) pour créer un spectacle de rue sur le thème des Droits de l’Homme. Ce spectacle a été présenté à Bastogne et Arlon.

En juillet 2007, dix jeunes Belges sont partis à la rencontre d’une quarantaine de jeunes Béninois, issus de quartiers défavorisés de Cotonou, pour réaliser ensemble un spectacle de sensibilisation sur la gestion des déchets dans la capitale. Il a été joué dans trois lieux stratégiques touchés par cette problématique.

Parallèlement à cette création, quatre participants belges ont tourné un documentaire audiovisuel sur des artistes et artisans « récupérateurs de déchets ».
Au vu des résultats et de l’intérêt de ces premiers projets, les deux compagnies ont la volonté de continuer à travailler en partenariat. En effet, aussi bien en Belgique qu’au Bénin, Alvéole Théâtre et la compagnie Béo Aguiar travaillent avec et pour des publics dits « défavorisés ». Leur pratique théâtrale (la création collective dans l’esprit du théâtre-action) est mise au service du développement de la personne et favorise une meilleure compréhension des mécanismes économiques, politiques et culturels qui prévalent au Nord et au Sud.