Depuis Poznan, où se tiennent des négociations sur l’avenir de la Convention Climat de l’ONU, il réaffirme le message des scientifiques dans l’interview ci-dessous qu’il m’a accordée.

Alors que la plupart des gouvernements sont représentés à la Conférence de Poznan dans le cadre de la Convention climat de l’ONU quelles sont les dernières nouvelles de la recherche dans ce domaine ?

Jean-Pascal van Ypersele : Je n’ai rien lu ces trois dernières années dans les revues scientifiques spécialisées qui aille à l’encontre des conclusions majeures du dernier rapport du GIEC. C’est déjà un élément de réflexion important. Des articles complètent ce que nous avons écrit à propos de l’élévation du niveau des océans qui pourrait être bien supérieure aux chiffres du dernier rapport (60 cm au maximum d’ici 2100, et plus ensuite), en raison de phénomènes liés aux glaces de l’Antarctique et du Groënland.
Mais ce sont des travaux qui donnent encore lieu à des discussions entre spécialistes. Il faut les prendre avec prudence, même si la communauté concernée semble évoluer vers une alerte renforcée sur ce point. Des données sur la fonte de la banquise arctique qui a connu deux minima historiques en 2007 et 2008 à la fin de l’été en termes de surface couvertes sont un nouvel indice montrant que le changement climatique dépasse déjà nettement les fluctuations naturelles connues.
Du côté du Soleil, il semble marquer une petite pause dans le niveau bas de son cycle d’activité d’environ 11 ans. Des astrophysiciens russes ont avancé l’idée d’une baisse de l’activité solaire durant les prochaines vingt années qui pourrait ralentir le réchauffement provoqué par l’effet de serre renforcé par nos émissions. Je suis pour ma part assez sceptique devant cette théorie. Il est bien trop tôt pour tirer des conclusions de cette petite pause. Et surtout le Soleil n’est pas le facteur principal de l’évolution du climat aujourd’hui.
Du côté des solutions, je note l’évolution des idées sur les agrocarburants. Le dernier rapport du Giec affirmait qu’il y avait là un potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais attirait l’attention sur leurs inconvénients, qui ont été confirmés par plusieurs études scientifiques. Elles montrent que la majorité des agrocarburants actuels, sauf la canne a sucre ou le jatropha (une herbe), n’ont qu’un potentiel médiocre de réduction des émissions quant on analyse l’ensemble de leur cycle de vie et, en outre, entrent bien souvent en conflit avec les impératifs de sécurité alimentaire.

Est-il apparu des données nouvelles qui pourraient faire espérer que les changements climatiques seront moins importants que ne le prévoient les simulations informatiques ?

Jean-Pascal van Ypersele : Le contraire me semble plutôt vérifié. La plupart des nouveaux articles publiés depuis trois ans vont dans le sens inverse et débouchent sur une aggravation du diagnostic. La saturation des puits végétaux et océanique de gaz carbonique semble se rapprocher. En ce cas, une part croissante de nos émissions resterait dans l’atmosphère au lieu de disparaître dans les océans et les sols ou d’être stockée durant plusieurs décennies par des arbres. Ce changement du cycle biogéochimique du gaz carbonique constitue une mauvaise nouvelle.
Si l’on cherche une bonne nouvelle, ce n’est donc pas du côté des sciences du climat qu’il faut se tourner, mais dans le fait que de plus en plus d’acteurs économiques et politiques, de pays, de citoyens, sont maintenant au courant du problème, conscients que l’on ne peut pas continuer comme cela. Même si tous n’ont pas compris que des changements radicaux sont nécessaires dans l’économie, la politique énergétique, les transports, l’urbanisme...
En revanche, ce qui n’a que peu évolué, c’est la traduction de cette perception renforcée du problème en actions suffisamment énergiques pour avoir un effet sur la gravité des évolutions climatiques futures. Ainsi, en juillet dernier, le G8 a bien dit qu’il faudrait diviser par deux les émissions mondiales, mais sans préciser par rapport à quelle année, et en citant le chiffre le plus « facile » du rapport du Giec. Ce dernier affirme que, si l’on veut rester en dessous d’une élévation de 2°C de la température planétaire moyenne, relativement à la situation pré-industrielle, il faut diminuer les émissions de 50... à 85% à l’échelle mondiale et de plus de 80% dans les pays développés d’ici 2050. Le G8 est constitué des pays les plus développés, il aurait été intéressant qu’ils reconnaissent la répartition des réductions nécessaires entre pays développés et pays en développement. Il s’agit non seulement de décarboniser pratiquement toute l’économie d’ici la fin du siècle mais de le faire 2050 pour les pays aujourd’hui industrialisés qui ont bien plus les moyens de le faire.

L’évolution récente des émissions de gaz à effet de serre se situe toujours au niveau le plus élevé des scénarios du GIEC. Pourquoi ?

Jean-Pascal van Ypersele : Il faut poser la question aux responsables politiques. La « vérité » que les scientifiques ont découverte est réellement dérangeante. Il y a une révolution énergétique à accomplir. Changer beaucoup d’habitudes, des stratégies économiques, des modes de production et de consommation. Devant cette perspective très dérangeante, on comprend que la tactique de la sourde oreille et de la tête dans le sable tente beaucoup de responsables. C’est cela qui s’est passé depuis 15 ans. Cela commence à changer... la Chine a publié son premier plan d’action sur le climat, c’est un signe positif, que l’on n’aurait probablement pas observé il y a dix ans.