coupons les ailes aux fonds vautours

Article publié par ZinTV

Le fonds vautour NML Capital attaque la loi belge de 2015 visant à lutter contre les fonds vautours en demandant son annulation devant la Cour constitutionnelle belge. La société civile monte au créneau !

Les fonds vautours sont des entreprises privées qui rachètent à prix bradé les créances sur les Etats en difficulté financière pour les poursuivre devant les tribunaux dans le but de réaliser des profits colossaux (300 à 2000 % de rendements). NML Capital, un fonds vautour dirigé par le milliardaire Paul Singer, attaque la loi belge de 2015 visant à lutter contre les fonds vautours en demandant son annulation devant la Cour constitutionnelle belge. La société civile monte au créneau ! Le CADTM, le CNCD-11.11.11 et 11.11.11 sont parties intervenantes devant la Cour Constitutionnelle pour défendre cette loi. Le 7 mars, la salle d’audience de la Cour était comble et une action symbolique était organisée devant celle-ci.

Production : ZIN TV en collaboration avec Le CADTM, le CNCD-11.11.11 et 11.11.11

Musique : "Temporal Distortion "- JT Bruce (licence youtube standard via Jamendo).

Ce 7 mars, le Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM), le CNCD-11.11.11 et son homologue néerlandophone 11.11.11 ont présenté leurs arguments devant la Cour constitutionnelle, dans le cadre d’une audience publique. En effet, ils interviennent aux côtés de l’État belge pour défendre la loi de 2015 visant à lutter contre les fonds vautours. Celle-ci fait l’objet d’un recours introduit par le fonds d’investissement NML Capital en 2016.

Avant l’audience, une action symbolique menée par les trois ONG a eu lieu place royale, face à la Cour constitutionnelle, afin d’illustrer pourquoi il faut défendre la loi belge relative aux fonds vautours. Environ 200 personnes y étaient rassemblées dès 12h30. Au son des percussions, ils ont chassé un vautour géant, déployé face à la Cour constitutionnelle pour imager la menace qui plane sur l’économie. Le rapace qui s’attaquait à la foule a finalement été muselé par le groupe des citoyens. Cette action était organisée par les trois ONG avec le soutien des réseaux ADES, Financité, Rethinking Economics et du Théâtre Croquemitaine, très investi dans toute la campagne, avec la construction du vautour géant et la préparation d’un court-métrage support à la campagne.

« L’enjeu de ce procès va bien au-delà des frontières belges car si la loi était généralisée, elle permettrait de couper les ailes aux fonds vautours », déclarent les trois ONG.

Les fonds vautours sont des fonds d’investissements généralement installés dans des paradis fiscaux. En l’occurrence, NML Capital, une filiale du groupe Eliott, propriété du milliardaire Paul Singer, est enregistré aux îles Caïmans. Ces fonds sont spécialisés dans le rachat à bas prix de vieux titres de la dette de pays surendettés. Ces fonds multiplient ensuite les procédures judiciaires pour obtenir un remboursement équivalent à la totalité de la valeur nominale de la dette majorée des intérêts et de pénalités de retard. Les taux de profits des fonds vautours oscillent entre 300% et 2000%. Cette spéculation s’exerce aux dépens des populations et de leurs droits sociaux fondamentaux. A titre d’exemple, en 2011, en RDC, les montants réclamés par trois fonds vautours équivalaient à 85% du budget national consacré à la santé et à 41% du budget de l’enseignement.

Pourquoi il faut sauver la loi belge contre les fonds vautours

La Belgique a adopté en 2008 une première loi permettant de protéger les montants issus de l’Aide publique au développement de ces fonds. En effet, par le passé, un fonds vautour, Kensington International, une autre filiale du groupe Eliott, avait réussi à obtenir la saisie de fonds publics belges destinés à deux projets de coopération au développement au Congo-Brazzaville.

En 2010, le Royaume-Uni a adopté à son tour une loi interdisant aux fonds vautours de capter les réductions et annulations de dette accordées par le FMI aux pays pauvres et très endettés.

La loi belge de 2015 va un cran plus loin. Fait remarquable, elle a été adoptée à la quasi-unanimité par le Parlement, au-delà du clivage majorité-opposition. La loi interdit aux fonds vautours d’exiger un montant plus élevé que celui auquel ils ont initialement acheté les dettes sur le marché secondaire. Pour cela, le juge doit établir que le créancier cherche à obtenir un « avantage illégitime », en fonction d’un certain nombre de critères : lorsqu’il y a une disproportion manifeste entre le prix payé et le montant réclamé ; l’État était insolvable ou dans une situation de risque imminent de défaut lors du rachat de la créance ; le créancier est légalement établi dans un paradis fiscal, etc.

L’avocat du fonds NML Capital et celui du Conseil des Ministres pour l’État belge se sont contentés de s’en référer à la procédure écrite, comme le veut l’usage devant la Cour Constitutionnelle. Seul Olivier Stein du cabinet Progress Lawyers Network, le conseil des ONG, qui a demandé que la séance soit publique, a pris la parole pour apporter de nouveaux éléments aux 300 pages du dossier. « Cette loi votée à l’unanimité est une excellente nouvelle, elle prouve que les différents partis politiques peuvent mettre leurs différences de côté pour poursuivre un même but. Ces forces conjointes vont vers un élan altruiste porteur d’espoir », a plaidé l’avocat, glissant du droit sur le terrain de la morale.

Pour les trois ONG, « en l’absence de mécanisme multilatéral, ce type de loi nationale est indispensable pour contrer les fonds vautours. Paul Singer et NML Capital l’ont bien compris, c’est pourquoi ils essayent à tout prix de faire annuler cette loi avant qu’elle ne puisse inspirer les autres pays créanciers. L’enjeu de ce procès à la Cour constitutionnelle va donc bien au-delà des frontières belges, car si elle était généralisée, elle permettrait de couper les ailes aux fonds vautours ».

Olivier Stein s’est étendu sur l’immoralité de leur spéculation : « Leur attitude est scandaleuse parce qu’elle met en danger les droits fondamentaux des populations. Au Malawi, ils ont dû vendre leurs récoltes de maïs pour payer des personnes qui sont très loin de mourir de faim. En Zambie, ils ont dû reprendre de l’argent qu’ils allaient affecter aux programmes de lutte contre la pauvreté et à des programmes de santé. NML Capital a essayé de capter les quelques bulles d’air qui restaient à l’Argentine pour garder la tête hors de l’eau ».

« Mais un État a l’obligation d’assurer la continuité du service public. Ce n’est pas une banque, il doit protéger les droits fondamentaux de ses citoyens », a-t-il encore plaidé.

« Nous considérons que c’est au législateur et aux parlementaires de décider de ce qui est immoral et doit être légiféré, non à l’usurier ».

Évitons le dépeçage de la Belgique, coupons les ailes aux fonds vautours

carte blanche du 7 mars 2018, dans L’Echo

Les fonds vautours ne sont pas seulement inutiles, ils sont dangereux économiquement. Ils renforcent et amplifient l’instabilité économique et empêchent le redémarrage économique des États qui en sont victimes.

Les fonds vautours sont des institutions financières, domiciliées dans les paradis fiscaux, qui rachètent à très bas prix des dettes d’États en difficulté, et multiplient ensuite les procédures judiciaires dans différentes juridictions contre l’État emprunteur ; cela afin d’obtenir des rendements très importants.
Paul Singer

Paul Singer est à la tête d’Elliott Associates, le plus grand des fonds vautours. Ce milliardaire américain s’est attaqué au Pérou en 1996 : il a acheté pour 12 millions de dollars de dettes et, 4 ans plus tard, a forcé le gouvernement péruvien à payer 55 millions. Ce cas prouvait que ce mécanisme de rachat de dette était très profitable et a entrainé la croissance de ces pratiques.

Des fonds qui exploitent les pays en difficulté

Pour assurer ses missions et se financer, un État émet des titres de dette , achetés par des investisseurs. Suite à des difficultés économiques, cet État peut ne plus arriver à rembourser les intérêts de sa dette, et les prix des titres de dette de ce pays chutent sur les marchés financiers. Les fonds vautours rachètent alors une part importante des dettes, à une fraction de leur valeur d’origine. Ensuite, ces fonds intentent un très grand nombre d’actions en justice pour exiger le paiement de la valeur d’origine des dettes, en y ajoutant des intérêts, des pénalités et des frais de justice. De plus, les fonds vautours refusent de participer aux négociations entre l’État en difficulté et ses créanciers qui aboutissent souvent à un ré-échelonnement de sa dette (baisse des taux d’intérêt et allongement du calendrier des remboursements) et parfois même une réduction de celle-ci.

Les profits des fonds vautours peuvent être colossaux, jusqu’à 20 fois la valeur de leur investissement initial, aux dépens des populations.

Les profits des fonds vautours peuvent être colossaux, jusqu’à 20 fois la valeur de leur investissement initial, aux dépens des populations. L’ONU conclut ainsi que ces fonds "compromettent la capacité des gouvernements de garantir le plein exercice des droits fondamentaux de la population" . Les fonds vautours, qui agissent dans des conditions douteuses vis-à-vis du droit international, obtiennent néanmoins, dans la majorité des cas, des jugements nationaux qui leur sont favorables.

Ces fonds vautours sont aussi des acteurs politiques puissants via le travail de lobby qu’ils effectuent ou le financement de campagnes politiques. Par exemple, Paul Singer fut régulièrement l’un des plus gros contributeurs des campagnes républicaines aux États-Unis, notamment celle de George W. Bush . Ces fonds déstabilisent également les gouvernements des pays surendettés. Une de leurs astuces consiste à s’assurer que des fonctionnaires influents des gouvernements ciblés fassent secrètement partie du groupe des investisseurs qui rachètent la dette dévalorisée. Ces fonctionnaires vont alors se battre au sein des gouvernements pour s’assurer que les dettes soient entièrement payées .

Il ne s’agit pas de blâmer les États emprunteurs. Le surendettement des pays vient souvent d’évolutions extérieures à leurs économies nationales. Par exemple, à partir de 1979, la banque centrale américaine a décidé de monter ses taux d’intérêts, ce qui a causé une hausse importante des taux d’intérêts mondiaux. Durant les années 1980, des désaccords au sein de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole ont entrainé une forte chute du prix du pétrole. Les prix d’autres matières premières (dont le charbon) ont également diminué. Ces deux changements, que nul n’avait anticipé, ont entrainé un surendettement massif de nombreux pays pauvres.

Et la Belgique dans tout ça ?

Dans les années 2000, le même Paul Singer continue sa funeste entreprise. Une de ses filiales, rachète des titres de dette du Congo-Brazzaville pour 1,8 millions de dollars. Elle réclame ensuite le paiement de 118 millions de dollars et fait saisir des fonds destinés à ce pays, s’accaparant ainsi l’aide au développement qui lui était destinée. L’une des saisies était un don d’un montant de près de 600.000 euros provenant de la Coopération belge au développement. Ce détournement a entraîné l’adoption d’une première loi belge en 2008 contre les fonds vautours, qui protège les biens de la coopération au développement de toute saisie.

En 2015, le Parlement belge adopte une nouvelle loi bien plus ambitieuse et efficace : elle empêche ces spéculateurs d’obtenir, en Belgique, plus que ce qu’ils ont payé pour racheter les dettes des pays endettés. C’est une avancée remarquable. Actuellement, seuls 3 pays au monde ont mis en place des lois pour contrer les fonds vautours : la Belgique, le Royaume-Uni et la France.

Récemment, Paul Singer a déposé une requête devant la Cour constitutionnelle, afin d’annuler la loi belge. Les fonds vautours ne s’arrêtent donc pas au pillage des États endettés. Ils veulent, en plus, attaquer les maigres avancées à l’encontre de leurs pratiques nuisibles. Le CNCD-11.11.11, son homologue néerlandophone 11.11.11, et le CADTM interviennent en justice pour défendre, aux côtés de l’État belge, cette loi de 2015.

Les professeurs d’universités suivants vous invitent à vous mobiliser contre les pratiques de ces fonds vautours. Parce que ces fonds ne sont pas seulement inutiles, ils sont dangereux économiquement. Ils renforcent et amplifient l’instabilité économique et empêchent le redémarrage économique des États qui en sont victimes.

Alaluf Mateo, professeur de sociologie à l’ULB
Ansoms An, professeure d’économie et de développement à l’UCL
Borriello Arthur, maître de conférences en science politique, ULB
Born Charles-Hubert, professeur de droit à l’UCL
Cartuyvels Yves, professeur de droit à l’USL-B
Charlier Sophie, professeur de droit à l’UCL
David Eric, Professeur émérite de droit international, Président du Centre de droit international, ULB
de Beer Daniel, professeur de droit à l’USL-B
Demeulemeester Jean-Luc, Professeur d’économie et histoire de la pensée économique, ULB
de Munck Jean, professeur de sociologie et philosophie à l’UCL
Deruette Serge, professeur de Sciences politiques à l’UMONS
De Schutter Olivier, professeur de droit à l’UCL
Delrez Marc, professeur de littérature anglophone à Ulg
Deroubaix Jean-Claude, enseignant en sociologie à l’U-Mons
Dimier Véronique, professeure de science politique, ULB
Durand Pascal, professeur ordinaire, Faculté de Philosophie et Lettres, ULg
Ferreras Isabelle, professeure de sociologie à l’UCL
Gevers Michel, professeur en science de l’ingénieur à l’UCL
Gillis Pierre, physicien, professeur honoraire à l’UMONS
Gosseries Axel, professeur de droit et philosophie à l’UCL
Gobin Corinne, maître de recherche FNRS-ULB en sciences politiques
Gourbin Catherine, professeure de démographie à l’UCL
Hambye Philippe, professeur de linguistique à l’UCL
Jacquemain Marc, professeur de sociologie à l’ULg
Jamar David, Professeur de sociologie, Université de Mons
Kellner Thierry, professeur en science politique, ULB
Laurent Pierre-Joseph, professeur d’anthropologie à l’UCL
Lemaître Andreia, professeure d’économie et de développement à l’UCL
Marc-Emmanuel Mélon, professeur en science de la communication à l’ULg
Pagnoulle Christine, professeure de philosophie à l’ULg
Pasetti Quentin, assistant en Sciences politiques à l’UMONS
Pleyers Geoffrey, professeur de sociologie à l’UCL
Roudart Laurence, Professeur de Développement agricole, ULB
Servais Olivier, professeur d’anthropologie à l’UCL
Vandewattyne Jean, Chargé de Cours, UMONS, Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education, Service de Psychologie du Travail
Van Ypersele Jean-Pascal, professeur de science environnemental à l’UCL
Yépez Del Castillo Isabel, professeure de sociologie à l’UCL

Comprendre la loi belge ?

un article de la RTBF

Bien comprendre la loi sur les fonds vautours, examinée ce mercredi à Bruxelles
7 mars 2018

La Cour constitutionnelle va examiner, cet après-midi à Bruxelles, la demande d’un fonds d’investissement américain qui souhaite faire annuler la loi de 2015 sur les fonds dits vautours.

On retrouve d’un côté "NML Capital", un fonds dit vautour, et de l’autre l’État belge et trois organisations non gouvernementales pour défendre cette loi qui vise précisément à couper les ailes à ces fonds vautours. Petit rappel pour bien comprendre l’enjeu de ces débats qui sont publics devant la Cour constitutionnelle.

Acheter des vieilles dettes à très bas prix et attendre l’allègement de la dette

"Les fonds vautours sont spécialisés dans le fait d’acheter à très bas prix des vieilles dettes sur le marché secondaire et d’attendre qu’il y ait une opération d’allègement de la dette, par exemple, de ce pays pauvre ou qu’il retrouve un peu d’oxygène financier pour l’attaquer devant les tribunaux et demander la totalité de la valeur nominale de cette dette, plus tous les intérêts et plus les pénalités", explique Arnaud Zacharie, le secrétaire général du CNCD-11. 11. 11.

"On a donc des fonds vautours qui peuvent, par ces actions en justice, bénéficier de taux de profit de plusieurs centaines de pour cent sur le dos des pays pauvres, de leur population et des services de santé ou d’éducation, par exemple."
Le Pérou, un bel exemple

En 1996, le Pérou n’est plus en mesure d’assumer sa dette publique, il fait défaut. Le fonds américain Elliott Associates, dont NML Capital est d’ailleurs une des filiales, rachète une créance pour 11 millions de dollars. Deux ans plus tard, Elliott Associates passe à la caisse et touche 58 millions de dollars.

Pour l’exemple, les fonds dits vautours ont bien compris le danger que ce type de loi se répande un peu partout dans le monde. C’est un danger pour eux, parce que ça pourrait compliquer, voire empêcher, leur business, qui du reste tend à se réduire, comme le constate Arnaud Zacharie.
Les clauses d’action collective

De plus en plus de pays pauvres et fortement endettés font en sorte désormais de blinder juridiquement leurs emprunts en utilisant ce qu’on appelle des clauses d’action collective. "Le fait d’inclure dans les nouveaux contrats des clauses d’action collective impose à tous les créanciers de participer à une opération de restructuration de la dette, et ça coupe donc l’herbe sous le pied de cette stratégie du passager clandestin utilisé par les fonds vautours."

Les fonds vautours, par nature, ne participent jamais à la restructuration négociée d’une dette publique. C’est pour ça qu’on les appelle des passagers clandestins. Ils achètent un titre de dette 10 %, 15 % ou 20 % de la valeur nominale, de la valeur initiale de l’emprunt pour récupérer 100 % de cette valeur nominale, plus les intérêts et les pénalités.

CADTM, CNCD-11.11.11 et l’État contre les fonds vautours

08 mars 2018
Article publié sur le site internet de L’Echo

Le fonds NML Capital a introduit un recours en annulation devant la Cour constitutionnelle contre la loi du 12 juillet 2015 luttant contre les fonds vautours. Trois ONG, dont le CNCD-11.11.11, ont fait intervention dans la procédure pour demander à la Cour de rejeter cette requête en annulation. Des militants sont venus en masse pour écouter la plaidoirie du conseil des ONG.

Ce n’est pas coutume, mais il y avait foule ce mercredi après-midi dans la grande salle de la Cour constitutionnelle. Les travées étaient remplies de militants des ONG CNCD-11.11.11, du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM) et de l’équivalent néerlandophone du CNCD-11.11.11. Ces trois organisations ont décidé de se joindre à l’État belge dans une procédure qui l’oppose au fonds vautour NML Capital. Le 2 mars 2016, ce fonds, basé aux Îles Caïmans, a introduit devant la Cour constitutionnelle un recours en annulation contre la loi du 12 juillet 2015 relative à la lutte contre les activités des fonds vautours.
Fameuse plus-value

À en croire les ONG, ces activités sont pour le moins lucratives. Ces fonds – il n’est sans doute pas inutile de le rappeler – sont spécialisés dans le rachat, à bas prix, sur le marché secondaire, de dettes émises à l’origine par des pays en difficulté ou proches du défaut de paiement avec, pour objectif, de réaliser une plus-value. Selon les trois ONG, quelques jours avant l’introduction de sa requête devant la Cour constitutionnelle, le fonds NML Capital a obtenu de l’Argentine qu’elle paie 2,28 milliards de dollars pour des obligations rachetées 80 millions de dollars dans le courant des années 2000. Voilà ce qu’on appelle une activité lucrative.
" "Un État a l’obligation d’assurer la continuité du service public. Ce n’est pas une banque." "
Olivier Stein
Avocat des ONG

En Belgique, la première législation cherchant à limiter la capacité de manœuvre des fonds vautours date de 2008. Il faut dire qu’à cette époque, le fonds Kensington International a réussi un "coup de maître" qui a mis un certain temps à être dirigé chez nous. Ce fonds avait racheté des créances d’une valeur faciale de 31 millions de dollars sur le Congo-Brazzaville pour 1,8 million de dollars avant d’obtenir un jugement de remboursement à hauteur de 118 millions de dollars. Pour payer le fonds, il avait fallu aller puiser dans de l’argent public belge destiné à la coopération. Gloups. Cette première législation visait essentiellement à protéger les fonds destinés à la coopération.

La loi du 12 juillet 2015, dont NML Capital demande l’annulation, va nettement plus loin. Son principal attrait est de limiter le remboursement des créances à la valeur à laquelle elles ont été achetées. Pour cela, le juge doit notamment constater que le fonds visé poursuit la recherche d’un avantage illégitime. C’est une partie des débats qui ont été menés devant la Cour constitutionnelle.

La procédure devant cette juridiction est habituellement écrite et les différentes parties impliquées dans la procédure avaient déjà échangé. C’est à la demande des ONG, défendues par Olivier Stein, que cette audience publique avait été mise sur pied. L’occasion pour les ONG de rameuter des militants et d’organiser une manifestation devant le bâtiment de la Cour constitutionnelle, situé place Royale. Ce mercredi, avant d’accéder à la grande salle de la Cour, il fallait montrer patte blanche et quelques policiers veillaient au grain, au cas où.
Un État, pas une banque

Mais de grabuge, il n’y a pas eu. Les avocats du fonds et celui de l’État se sont contentés de s’en référer à la procédure écrite, comme le veut l’usage devant cette juridiction. Seul Olivier Stein, le conseil des ONG, a pris la parole. "Cette loi est une excellente nouvelle, elle est la preuve que les différents partis peuvent mettre leurs différences de côté pour poursuivre un même but. Ces forces conjointes vont vers un élan altruiste porteur d’espoir", a plaidé l’avocat, glissant du droit sur le terrain de la morale.

Les débats, a-t-il plaidé, tourneront autour de la question philosophique visant à savoir ce qu’est une pratique immorale. Avant de citer l’exemple du Malawi, forcé de vendre ses réserves de maïs pour payer des fonds vautours alors que la population de ce pays était touchée par la famine. "Mais un État a l’obligation d’assurer la continuité du service public. Ce n’est pas une banque, il doit protéger les droits fondamentaux de ses citoyens", a-t-il encore plaidé.

L’audience n’a pas duré vingt minutes et les ONG ont demandé le rejet de la requête en annulation. L’affaire a été prise en délibéré. Dehors, parmi les militants, l’avocat des ONG répondait aux questions des quelques journalistes venus couvrir cette affaire et expliquait notamment le pourquoi de cette intervention aux côtés de l’État belge. "L’action de ces fonds compromet gravement la capacité de plusieurs États à satisfaire les droits et besoins essentiels de leurs populations". Tel sera le message délivré en marge de cette affaire, qui se poursuivra bien au-delà des prétoires.
Nicolas Keszei,
Journaliste