D’autres pages sur notre travail au Burkina Faso....
La video du spectacle "La Sécheresse" par les Super Etoiles de Goumogo
----------
1 - Distribution, musique et scénographie
2 - Le pauvre
4 - Au Marché
7 - Le jugement
I Distribution et scénographie
Personnages (8)
Le boucher
Le pharmacien dans la rue
Le marchand de fripes
Un client
Le pauvre
Le chef
Deux gardes
Lorsque les comédiens ne sont pas dans un rôle, ils jouent des différents instruments de percussions ou utilisent la voix comme accompagnement pendant les intermèdes musicaux ou pour sonoriser des scènes d’ambiance.
Lieux
La cour du boucher
[1]
Le marché
[2]
La cour du chef
[3]
Le décor
Un fond de scène plus ou moins neutre, ou avec un motif évoquant l’Afrique ou la vie rurale, suffit pour toutes les scènes. La définition précise des lieux sera donnée par le jeu des comédiens et des accessoires. Le marché sera ainsi défini par les étales que les vendeurs installeront sur la scène et qu’ils emporteront à la fin de celle-ci. La cour du boucher sera suggérée par l’ambiance sonore et le jeu, la cour du chef par son trône et ses gardes.
Les costumes
Dans les campagnes d’Afrique Occidentale les vêtements portés par les paysans sont assez divers. Le plus souvent ils sont constitués d’habits de seconde et troisième main provenant des rebus européens. Au Burkina Faso, comme tout ce qui est d’occasion, ils sont appelés, non sans humour, « au revoir la France ».(Voir la note sur le marché de la fripe)
Dans la vie quotidienne, pour le travail des champs, les villageois portent les plus vieux de ces vêtements d’occasion, souvent très usés, voir troués et déchirés. Ils tiennent tous en réserve un habit plus seyant pour se rendre au marché ou en ville.
Ici, le boucher, le pharmacien et le fripier et leurs clients seront habillés avec des vêtements propres, mais un peu dépareillés pour indiquer leur statut d’« au revoir la France ». Le roi et ses gardes pourront porter un boubou ou un costume traditionnel, le pauvre pourra être en guenilles.
La musique
Elle sera composée à partir d’instruments traditionnels africains ; djembés, doum-doum, tambours, guitare traditionnelle, maracasses, etc…
Elle intègrera en plus de ces instruments, des sons de la vie quotidienne, avec des bruitages de bouches ou autres, de même que des parties vocales ou chantées.
L’orchestre sera de préférence sur la scène et fera intégralement partie du spectacle.
On peut éventuellement remplacer cet orchestre par une bande son.
------------
Le pauvre
Avant l’entrée des premiers spectateurs, sur la scène (ou devant la scène), un pauvre est couché par terre, replié le plus possible sur lui-même, pour prendre le moins de place possible.
Au début du spectacle lui-même, il se réveille, s’étire et baille, se lève et s’en va, tout en s’adressant au public :
Le pauvre :
On est mieux assis que debout, couché qu’assis, endormi qu’éveillé et mort que vivant.
C’est une grande consolation pour un pauvre de se contenter de ce qu’il a... D’être content avec rien, quoi !
Mon passé n’est que mauvais souvenirs, mon avenir ressemble à un gouffre obscure et effrayant.
Heureusement qu’il me reste le présent.
Il sort.
Dans la cour du boucher
Son :
On entend les bruits des animaux de la cour. Les bêlements de cabris, de moutons, les piaillements de poules.
Dans une cour moré, sortant de sa case, un boucher regarde son troupeau.
Il doit choisir un animal pour se rendre au marché et vendre sa viande.
Le boucher attrape un cabri qui ne se laisse pas faire.
Le comédien mime la manière dont le boucher attrape la bête.
Le boucher :
Quelque soit la colère du cabri, La tabaski aura lieu.
[4]
Il lie les pattes de l’animal avec un morceau de chambre à air, l’attache à son vélo et se met en route vers le marché de la commune.
Le boucher :
Au public
L’avantage du vélo sur la voiture est que tu peux te mettre debout sur les pédales sans te cogner la tête. Et puis s’endormir au volant, c’est très dangereux. S’endormir à vélo, c’est très rare.
Musique :
Pendant que le boucher enfourche son vélo, la musique accompagne son départ. Elle introduit un chant accompagné des tambours qui se transforme en musique suggérant une ambiance de marché.
Au marché
Un pharmacien « dans la rue », entre avec sa caisse de médicaments dépareillés et de provenances aussi diverses que douteuses.
[5]
Il s’installe légèrement en retrait de l’avant-scène, côté jardin et présente sa marchandise au public.
Le pharmacien :
S’adressant à un homme seul, dans le public, en prenant un air de trafiquant.
La poudre qui rend les femmes tendres et amoureuses. Tu lui verses dans son verre et ça marche. J’ai aussi des vitamines pour qu’elle soit dure comme ça !
Il fait un geste de « virilité » avec son bras.
A tout le public :
Antibiotique, paracétamol, pilules pour le ventre, sirop pour le cœur. Achetez mes comprimés, les bleus sont en promotion, bons pour tous les maux de la tête : les migraines, le nez bouché, le mal de dents, les yeux qui coulent, les oreilles qui sifflent, préviennent le mal de cheveux, empêchent leur chute et guérit même la calvitie.
Un fripier entre à son tour, avec un ballot de vêtements. Il l’étale sur le sol, côté cour, également légèrement en retrait de l’avant-scène, à la hauteur du pharmacien. Il s’adresse au public pour lui faire l’article.
Le fripier :
Il prend un soutien gorge et le tend au public.
« Au revoir la France »
[6]
.... première fraicheur, ..... arrivage exclusif, ..... la dernière mode de paris et des champs Elysée, .... rien que des grandes marques.
Du beau, du sexy, du pas cher !
Il fait des gestes évoquant les formes des belles gazelles.
Allons les belles gazelles, il y en a pour tous les goûts, tous les formats, je peux tout vous emballer.
Monsieur « casse les prix » est arrivé. La qualité à prix d’amis.
Le pharmacien :
A son client dans le plublic
Mon ami, tu crois que tu es en bonne santé : cela cache quelque chose.
La plupart des malades ont d’abord été en bonne santé. La bonne santé c’est le premier symptôme de la maladie.
Et puis la santé, ça ne veut rien dire. Je connais plein de gens qui sont morts en bonne santé.
Écoute-moi, pour ne pas tomber malade, il faut prendre des cachets de vitamines, de toutes les vitamines : ABCDEFG.
Tu dois avaler tout l’alphabet, jusque XYZ. Les plus durs à faire passer.
C’est pas facile, tu dois te promener avec plein de boites encombrantes et qui coûtent chers. Chaque jour il faut en ingurgiter 26, une toute les heures, deux à midi, deux à minuit.
La nuit tu dois te réveiller toutes les heures pour les prendre.
Et bien moi, en exclusivité, je vous propose ce sirop vitaminé complet, qui reprend tout l’alphabet, en entier, de A jusque Z.
C’est un produit unique, une invention révolutionnaire de la médecine traditionnelle chinoise, entièrement à base de plantes.
Une cuillère par jour, le matin et c’est la forme toute la journée, une autre le soir et vous dormez bien toute la nuit.
Et cela pas pour 5000, pas pour 4000, pas pour 3000, pas pour 2000, mais seulement pour 1000 !
Et en plus, en prime exceptionnelle, pour ce prix ridicule, aujourd’hui seulement, je vous offre la petite cuillère en plastic si pratique pour boire le sirop ; profitez de ce bonus spécial, pour seulement 1000 CFA.
Pendant ce temps un client qui était installé parmi le public, s’est levé, et s’est approché du pharmacien.
Le client :
La chèvre qui fait une crotte en forme de pilule n’est pas pharmacienne pour ça.
Pharmacien, c’est trop cher ton sirop, tu dois me faire un prix. Combien tu me fais de réduction ?
Le pharmacien :
Je ne gagne pas sur le sirop, c’est seulement pour payer mes frais.
L’amitié n’est pas une prise en charge mon frère. L’argent est bon mais la santé est meilleure.
Le client :
Et ta poudre qui rend les femmes gentilles, combien tu prend pour cette chinoiserie ?
Le pharmacien :
Ce sont des sachets, cinq cents,cinq cents.
Le client :
Et ces petits sachets, ça soigne les problèmes d’allumages ? Parce que j’ai beaucoup de bureaux à m’occuper...
Le pharmacien :
Un peu complice, un peu égrillard.
Avec ça tu vas devenir un vrai bureaucrate.
Le client paye, emporte quelques sachets de poudre et sort.
Le fripier : (au pharmacien)
Hé, fossoyeur, Ce que tu donnes aux autres, tu le donnes à toi-même.
Le pharmacien :
Analphabète ! Arrête de m’appeler ainsi devant ma clientèle.
Tu ne devrais pas te vanter, avec tes "yougou yougou", tes "au revoir la France" !
Musique :
La musique qui illustrait le départ du boucher au marché, d’abord un murmure pendant la fin de la scène précédente, s’affirme peu à peu, au fur et à mesure que le boucher entre sur la scène, côté cour.
Parallèlement on entend les bêlements d’un cabri qui reviennent au premier plan sonore.
Faisant un déplacement panoramique, il contourne le fripier. Il s’installe, au milieu, en avant scène.
Tout en saluant ses voisins, il installe son vélo sur sa béquille et dépose le cabri par terre. Il construit et allume un feu. Pendant que celui-çi démarre, il prend le cabri et l’égorge.
Les braillements du cabri cessent.
Le boucher découpe la carcasse. Enfin il commence à griller la viande.
Pendant son installation :
Le boucher :
Bonjour, comment ça va ? Et les affaires ?
Le fripier :
C’est pas facile. C’est la crise.
Le pharmacien :
Il n’y a plus d’argent. Les gens négligent leur santé, ils préfèrent garder leur argent pour manger plutôt que se soigner.
Le boucher :
En se faisant complice du fripier contre le pharmacien
Le porc ne dit jamais qu’il a trop de graisse.
Le fripier :
L’avare et le cochon ne sont bons qu’après leur mort.
Il faut qu’il en ait tué des gens pour être aussi riche.
Le pharmacien :
En plaisantant les deux autres, sous forme de fausse menace.
Méfiez-vous. On a beau avoir une santé de fer, on finit toujours par rouiller.
Le fripier :
C’est surtout pour les héritiers de tes malades que tu représentes un espoir..
Le pharmacien :
Et toi, les poux sont compris dans le prix de tes fripes ? Tu vend sces loques une fortune.
Le fripier :
Tu n’y connais rien à la mode, ignorant. Ce n’est pas ce qui est beau qui est cher ; c’est ce qui est cher qui est beau.
Le vol de la fumée
A présent le boucher s’est installé et grille sa viande.
Un client entre côté jardin. Il fait un déplacement panoramique en contournant le pharmacien qu’il salue. Attiré par l’odeur de la viande grillée, il s’approche du boucher.
Le boucher :
Cabri grillé, cabri grillé, cabri grillé !
A ces paroles, le pauvre passe la tête des coulisses. Il rentre peu à peu sur la scène, dans la plus grande discrétion, pour ne pas se faire remarquer des autres.
Le client :
Combien ton cabri ?
Le boucher :
Cinq cents, cinq cents, la belle portion, bien servie.
Le fripier :
Succombant à la tentation des odeurs, la salive à la bouche...
Moi aussi je te paye une portion, à emporter. Tu me la prépares et tu me la réserves sur le côté, je te la payerai à la fin du marché.
Le boucher :
Vu ce que tu as déjà vendu, je préfèrerais que tu me la paye maintenant ma viande.
Le pharmacien :
Tu as raison boucher, un tiens vaut mieux que deux tu l’aura.
Pendant les répliques de la dernière scène, le pauvre est entré sur la scène côté cour. Il a contourné le fripier et s’est approché du grill du boucher.
Le pauvre :
Ses sens s’éveillent aux arômes de la viande grillée, il en hume le parfum, suit du nez le fumet, qui émanent des grillades. En les poursuivant il remonte à l’origine de ces délicieuses senteurs : le grill du boucher.
(au public) :
L’appétit vient ..... surtout .....en ne mangeant pas !
Le boucher :
A son goût, le nez du pauvre est un peu trop près de la viande.
Attention animal, tu vas te brûler le museau.
Allez recules-toi, si tu veux manger, il faut payer.
Pour combien tu en veux ?
Le pauvre :
L ’odeur de la viande grillée lui chatouille les narines.
Patron, tu ne pourrais pas me faire un petit cadeau ?
Rien qu’un tout petit bout de rien du tout ?
Ca fait deux jours que je n’ai rien mangé.
Le boucher le rejette du regard.
Alors rien qu’un peu de gras et de couenne ?
Le boucher refuse de la tête.
.… ou un os, … seulement un petit morceau d’os ?
Le boucher, énervé, lui fait signe de s’en aller.
Même sans viande du tout, même sans le moindre morceau de gras, rien qu’un bout d’os, pour le sucer ?
Le boucher :
Des comme toi j’en ai tous les jours. Je ne suis pas là pour soulager la misère du monde et même si je le voulais, je ne suis pas assez riche pour nourrir tous les paresseux comme toi.
(Au pharmacien )
Tu donnes un os à cette hyène et l’instant d’après c’est toute la meute qui te tombe dessus et te dévore toute ta marchandise.
Le fripier :
A semer le pain aux souris on attire les rats.
Le Pauvre :
Au pharmacien
Mon ami, donne-moi cent francs pour manger. Dieu te le rendra.
Le Pharmacien :
Il sort un morceau de pain qu’il tenait caché sous ses potions.
Tiens prends ça, les souris n’en ont pas voulu. Et maintenant passe ton chemin, je travaille moi.
Et toi avec ton air de malade, ta face de cadavre et ta mine pas nette, tu fais fuir les clients.
Le pauvre
Pendant que le boucher sert le fripier, le pauvre pique son bout de pain au bout d’une baguette et le passe dans la fumée des grillades. Il en déguste une petite bouchée avec délectation comme si c’était un met raffiné.
Celui qui jamais n’eut faim ne connait pas le vrai goût du pain.
Le boucher :
En se retournant il surprend le pauvre occupé à mastiquer son pain avec gourmandise.
Voleur, je t’ai vu, il faut payer maintenant.
Le pauvre :
Mais patron je ne t’ai rien pris. J’ai juste passé un peu, un peu, ce bout de pain dans la fumée.
Le boucher :
Dans la fumée de MA viande, donc dans MA fumée !
Tu vas payer !
Le pauvre :
Mais patron je n’ai rien, pas même un seul franc. Pas un seul centime.
Le boucher :
Vide tes poches, menteur.
Le pauvre :
Il retourne ses poches qui sont effectivement vides.
Tu vois bien, je n’ai pas un sous. Même pas une pièce d’un franc lissée.
Par pitié ! Donnes-moi un petit morceau d’os ? Par pitié...
Le boucher :
Même pas un seul poil de sa queue.
Filou, déguerpi et ne recommence pas sinon je te tue.
Le pauvre fait mine d’un peu s’éloigner, mais il reste à proximité du boucher, prêt à profiter d’une prochaine inattention de celui-ci.
Un jeu entre eux, ruses contre ruses, de tentatives du pauvre, déjouées par la vigilance du boucher, commence.
Le pauvre :
Ventre affamé n’a point d’oreilles, mais il a du nez !
A son tour le pharmacien commande au boucher un peu de viande à emporter .
Pendant que le boucher le sert, le pauvre en profite pour passer à nouveau son pain dans la fumée.
Le pharmacien :
Regardant le fripier avec ironie.
Prépare-moi aussi une part, cette odeur me donne l’appétit.
Moi je peux te payer de suite, mes affaires sont florissantes.
Le fripier :
Le crime paye !
Le boucher :
Je te mets des épices ?
Le fripier :
Il faudrait que tu lui épices avec sa poudre chinoise pour qu’elle lui reste dur un mois durant.
Il fait un geste obscène de virilité au pharmacien.
Le boucher :
Surprenant le pauvre occupé à nouveau d’embaumer son pain de fumée.
Voleur ! Je t’y reprends. Cette fois tu vas payer. Je t’ai vu.
Au public :
Tout le monde est témoin.
Au voleur !
Le pauvre :
Au public, en se défendant du boucher, et en le menaçant :
Les hommes sont comme les lions, comme toutes les bêtes, comme tous les êtres vivants. La faim les rend féroces.
Attention boucher ! Une chèvre acculée peut mordre...
Le boucher :
En se saisissant d’un de ses grands couteaux :
Crapule, tu m’as pris deux fois MA fumée. Ma fumée c’est cent francs, cent francs. Tu me dois donc deux cents francs.
Vaurien, Pauvreté n’oblige pas à voler.
Le pauvre :
Richesse non plus.
Le boucher :
Tu vas payer, récidiviste.
Le boucher menace le pauvre de son couteau à découper. Il le tient en respect, la lame sur la gorge.
Le fripier :
Pas de malheur boucher. Tu vas faire une connerie. Va demander la justice au chef.
Le pharmacien :
Pour une fois ce débile a raison. Arrête boucher, ne nous énervons pas. Conduisons-le plutôt au chef qu’il le condamne à payer.
Le boucher :
Vous ne comprenez pas que lorsque cet escroc sera rassasié, il en aura aussi à vos biens. Qui vole un œuf vole un bœuf. C’est à vous alors que cette canaille s’en prendra.
Le pauvre :
Et bien allons-y, allons trouver le chef, on verra bien s’il trouve normal de faire payer de la fumée.
Le boucher :
Et comment que nous allons aller chez le chef.
A ses collègues marchands :
Attrapez-le. Tenez-le bien qu’il ne s’échappe pas, ce forban.
Le fripier et le pharmacien se saisissent du pauvre.
Le pauvre :
Au public :
C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches.
Le fripier :
Tais-toi et n’aggrave pas ton cas.
Le pharmacien :
Ferme-la et avance.
Musique :
La musique des tam-tam épouse peu à peu le rythme de la dispute, l’accompagne et suit la sortie des comédiens.
Le jugement
Dans la cour du chef du village, un trône vide au centre de la scène. Entrée des deux protagonistes, côté cour, suivis de leurs témoins. Ils continuent de se disputer et de s’empoigner. Ils tentent de se gifler et de se donner des coups de pieds, malgré le pharmacien qui ceinture le pauvre, et le fripier qui tente d’empêcher le boucher de le frapper.
Le boucher :
Tu vas voir si tu ne vas pas payer.
Il essaye de donner une gifle au pauvre.
Le pauvre :
Ceinturé par le pharmacien, il essaye de donner un coup de pied au boucher en disant sa réplique.
On excuse les vices du riche, et on ne supporte pas les défauts du pauvre.
Le boucher :
Il essaye de donner une gifle au pauvre en disant sa réplique alors que le fripier essaye de s’interposer et de le retenir.
Si tu veux te nourrir de mangues, lapide le singe qui est sur le manguier.
Le pharmacien :
Au fripier, qui essaye d’empêcher le boucher de frapper le pauvre :
Retiens-le mieux, c’est moi qui prend les giffles.
Le fripier :
Occupe-toi plutôt du tien, il donne des coups de pieds et essaye de s’enfuir.
Le boucher et le pauvre continuent de se disputer de plus en plus fort, malgré le fait que le fripier et le pharmacien tentent de les contenir.
Le boucher :
Parasite !
Le pauvre ;
Rapace !
Le boucher :
Pique-assiette !
Le pauvre :
Cupide !
Le boucher :
Scélérat
Le pauvre :
Radin !
Le boucher :
Gredin !
Le pauvre :
Mesquin !
Le boucher :
Filou !
Le pauvre :
Grigou !
Le pauvre :
Grippe-sou !
Le boucher :
Pirate !
Musique :
Musique solennelle annonçant le chef.
Arrivée du chef et de ses deux gardes par le centre de la scène. Les protagonistes s’aperçoivent de la présence du chef et arrêtent de se cogner. Le chef s’installe sur son siège.
Le Chef :
Quand deux hommes se battent à cause d’un oeuf ,c’est que pour une poule ils vont se tuer.
Boucher je voudrais savoir pourquoi tout ces bruits et ces cris dans ma cour.
Le boucher (énervé et en colère) :
Ce malfrat, ce gangster, cet égorgeur, ce...., ce...
Le Chef :
C’est comme ça que tu me parles, moi ton chef. Tu ne m’as même pas salué, tu ne t’es même pas présenté.
Le boucher :
Il se rend compte de son erreur et se prosterne humblement devant son chef en implorant servilement son pardon.
Pardon chef, mais cet éventreur m’a tellement énervé que j’en perds le sens des usages. Je vous remets mes meilleurs et respectueuses salutations. Je suis le boucher qui, chaque marché, est installé entre le fripier et le pharmacien.
Le Chef :
D’un air entendu.
Oui je te connais toi.
La marmite dans laquelle on a préparé le bouc garde longtemps son arôme.
J’envoie souvent les enfants t’acheter de la viande, mais c’est beaucoup d’os qu’ils me ramènent.
Le boucher, prosterné et gêné, proteste silencieusement, proclamant son hypocrite innocence.
Le pauvre :
Respectueusement incliné vers le chef :
Chef, je vous présente mes respects ainsi qu’à votre famille.
Ne croyez pas ce que ce méchant homme vous raconte.
C’est un menteur !
Je ne lui ai rien volé. Bien au contraire, c’est lui le voleur !
Moi j’ai seulement passé un morceau de pain dans la fumée de sa viande grillée. Et ce bandit veut me faire payer pour ça.
Ce n’est pas juste, ce n’est pas celui qui a faim qui mange mais celui qui a la nourriture.
Le boucher :
Et la viande, qui l’a paye ? Qui a élevé le cabri ? Qui l’a nourrit ? Qui l’a ensuite transporté, tué et découpé ? Qui l’a cuit ?
Il me vole mon travail, mon bien. Chef, c’est un criminel.... Il faut le condamner à me payer le juste prix de mon labeur.
Le pauvre :
Mais chef, vous ne pouvez pas me condamner pour ça, pour rien, pour de la fumée.
Cette fumée elle était de toute façon perdue, elle remplit l’air tout autour, et tout le monde sur le marché la respire gratuitement.
Le boucher :
Parce que je le veux bien, mais si je le voulais je pourrais aussi l’empêcher.
Assassin !
Le Chef :
Il fait un geste invitant les deux à se calmer.
Il réfléchit un moment en regardant les deux plaignants chacun leur tour.
Voilà mon jugement.
Tu as pris de la fumée au boucher, il faut que tu lui payes.
Car la propriété c’est sacré et il faut respecter le bien d’autrui.
Je te condamne à payer deux cent francs, le juste prix qui t’est réclamé.
Le pauvre :
Mais chef…
Le Chef :
Si tu discutes je te donne une amende en plus.
Il regarde sévèrement le pauvre. Ce dernier est furieux mais ne peut le dire sous peine d’amende.
Ce n’est pas parce que tu regardes la forêt avec tes yeux de colère qu’elle brûlera
Le pauvre :
Pendant qu’il sort d’une cachette dissimulée dans ses sous-vêtements, deux billets de cents francs, il s’adresse au public :
Le pauvre n’a pas d’amis. Le riche ne danse jamais mal.
Il tend les billets au chef.
Le boucher :
Oh le grand menteur....
Et il prétendait qu’il n’avait pas d’argent. Vous voyez chef, en plus c’est un menteur …..
Le chef regarde le boucher d’un air courroucé, ce qui calme ce dernier, qui baisse de suite le ton et la tête.
Le chef d’un signe de tête ordonne à un des gardes de prendre l’argent.
L’un des deux gardes prend les deux billets d’un air un peu dégouté, vu d’où ils viennent.
Le Chef :
Au boucher :
Quand tu parles au chien il faut parler aussi à l’os.
Qui donne au pauvre prête à Dieu.
Et toi tu lui vendrais ta fumée.
Si le chien ne mange que les os, ce n’est pas parce que la viande ne lui plait pas c’est parce que personne ne la lui donne.
Tu vois boucher, quand on change le tam-tam de place, il a un autre son.
Au garde qui tient les billets :
Paye-le. Fais lui sentir le parfum de son argent.
Le garde écrase les billets sur la face du boucher.
Celui qui se permet de cracher en l’air doit s’attendre à recevoir des gouttes de salive sur le nez.
Le boucher :
En colère et en tentant d’échapper aux gardes qui le maintiennent en lui écrasant les billets sur le nez.
Vous êtes injuste chef !
Le chef :
Ferme-la arrogant. Quand on a sa main dans la gueule du crocodile, on l’enlève avec douceur.
On dit que l’argent n’a pas d’odeur, qu’est-ce-que tu en penses ?
Le boucher :
Il pue chef. il pue le fond de caleçon de cette répugnante crapule.
Le chef :
Au pauvre :
Au pays des poules, le maïs n’a jamais raison.
Au boucher :
Celui qui mange une noix de coco, fais confiance à son anus.
Il fait signe au garde qui tient l’argent de le lui remettre.
Le garde s’exécute.
Au public :
Le sage ne joue pas à saute-mouton avec un rhinocéros !
Le roi compte les billets.
Tout ça me fait de gros frais de justice ; ouverture de dossier, timbres fiscaux, frais généraux, commission spéciale, taxe locale, fermeture de dossier.
Au boucher :
La plus belle des richesses vient de l’intérieur.
Au public
Un grand n’est pas un petit..et la somme de plusieurs petits ne fait pas un grand.
Le roi empoche les billets.
La loi est dure, mais la loi est la loi.C’est Dieu qui est fort
Le chef sort suivi, en procession, de ses gardes, puis du boucher, du pauvre, du pharmacien et du fripier, .
Musique :
Les tambours accompagnent la sortie majestueuse du chef et soulignent la fin du spectacle
Chœur final avec les djembés sur le thème :
Si à midi le roi te dit qu’il est minuit, alors contemple les étoiles.
Les illustrations de Guido Decroos
[1] Chez les Morés, la cour représente un ensemble familial, souvent assez large. Une cour rassemble des cases qui abritent les épouses et leurs enfants, mais aussi des parents de la lignée de l’homme, elles sont souvent reliées entre elles par un mur qui la délimite et ferme l’ensemble aux regards. On y trouve aussi des greniers, la forge si c’est un forgeron qui l’habite est souvent accolée à l’extérieur de l’espace privé, ainsi que les autres activités artisanales.
[2] Dans presque chaque commune, voir dans les hameaux qui les composent, se tient un marché qui a lieu généralement tous les trois jours. Très colorés ils sont presque les seuls lieux où des échanges de marchandise se produisent. C’est aussi le lieu des échanges sociaux et familiaux de toutes natures, et du colportage des nouvelles et rumeurs de la région.
[3] Dans les société comme celle des Morés, le système de chefferie traditionnelle continue d’exister, parallèlement aux institutions et aux autorités officielles.
[4] La Tabaski ou fête de l’Aïd-el-Kebir (ou Aid-al-Kebir "la grande fête") plus connue sous le nom de "fête du mouton", est définie dans le Coran comme une fête se déroulant lors du pèlerinage la Mecque. Elle a lieu le 10 du mois Dhou-l-Hijja, le 12ème mois lunaire dans le calendrier musulman. Ainsi, tous les musulmans fêtent-ils l’événement ensemble à défaut d’être à la Mecque. Cette journée de fête est le souvenir du sacrifice d’Abraham (Ibrahim). Dieu lui a demandé de sacrifier son fils unique, et il était prêt à le faire, pour montrer sa soumission à Dieu ("muslim" étymologiquement veut dire "soumis"). Mais Dieu l’a arrêté avant et lui a fait sacrifier un mouton à la place. Chaque père de famille doit tuer un mouton pour célébrer le sacrifice d’Abraham. Le pays tout entier est absorbé par les préparatifs : achat du mouton et habits neufs pour la famille. A l’approche de la fête, les mères embellissent la cour. les enfants sont excités. Les marchands déambulent avec des couteaux et des grilles de barbecue, pour le sacrifice et la dégustation du mouton familial.
[5] Note sur le médicaments vendus dans la rue
Des faussaires sans scrupules tirent partie de la pauvreté, de l’analphabétisme et de l’isolement rural pour vendre des produits sans valeur à des victimes innocentes. Les individus ne sont pas les seuls qui souffrent. Les faux médicaments mettent à mal la crédibilité des systèmes de santé, gaspillent des ressources et diminuent la confiance dans les autorités responsables de la santé (Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon).
Des milliers de pharmacies "dans la rue", "dans la poussière", d’étals et de marchands de rue vendent des médicaments contrefaits à bas prix.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) évalue le commerce des médicaments illégaux à 45 milliards d’euros, soit environ 10 % de l’industrie pharmaceutique. Les antipaludiques de contrefaçon tuent à eux seuls 100.000 Africains chaque année et le marché noir coûte entre 2,5 % et 5 % de revenus aux gouvernements.
Au Bénin, où environ 85 % des habitants dépendent de faux médicaments achètés à plus de 10.000 marchands de rue ou sur les marchés, les pertes occasionnées par ce trafic au commerce pharmaceutique légal s’élevent à 30 milliards de francs CFA (67,41 millions de dollars) par an, et les recettes fiscales du gouvernement en sont diminuées de cinq milliards de CFA.
[6] Note sur le commerce des fripes
Par exemple au Cameroun, les commerçants les plus fortunés sont grossistes. Ils achètent des conteneurs de friperie en Europe. Une fois la marchandise dédouanée, les grossistes la vendent aux déballeurs qui achètent un ou plusieurs ballots (Le ballot varie de 150.000 à 200.000 Fcfa). Les déballeurs ouvrent les ballots au marché et revendent aux trieurs. Parmi les trieurs il y a également des sous-catégories.
Les vêtements les moins abîmés sont appelés « premiers choix ». Ils sont achetés assez chers par les plus grands trieurs. Après la vente des premiers choix, le déballeur a généralement déjà récupéré son capital de départ. Le prix d’une chemise premier choix varie de 5.000 Fcfa à 15.000 Fcfa et parfois plus pour une marque très connue. Parfois on y trouve des vêtements neufs. fins de séries et invendus des grands magasins européens. On les appelle des "diamants", ils sont vendus plus chers que des vêtements de boutique, car ce sont des vêtements originaux.et non les contrefaçons qu’on trouve dans les boutiques ».
Une chaussure "diamant" coûte minimum 50.000 Fcfa et les clients se les arrachent. Une fois le premier choix effectué et les diamants sélectionnés, les déballeurs réservent les « bombes », c’est-à-dire les vêtements de mauvaises qualités, aux revendeurs qui n’ont pas un grand capital. Ces bombes sont revendues à bas prix sur le marché. Ce sont des vêtements délavés et parfois troués. Des « chemises bombes » peuvent se vendre à 1.000 Fcfa, parfois 500 ou même 200 Fcfa en fonction du degré de détérioration. Après le triage, les revendeurs, ambulants ou fixes, étalent leur marchandise dans leurs lieux de vente habituelle.