Et je le comprends aisément. Pas facile de prendre le risque de s’impliquer. de montrer le plaisir que l’on prend, la détente, le relâchement. On prend si vite l’habitude de se blinder. On se fabrique des carapaces, on se cache derrière des postures, l’indifférence, le mépris, la distance, la dureté... On se sent moins atteignable, à l’abri, derrière les murs de l’apparence. Bien moins fragiles que si l’on se confrontait sans cesse aux autres et au monde.
Faire du théâtre, c’est ça. Et encore plus dans un lieu comme celui-ci, où la plupart des personnes se sentent fragilisées. Pourtant, ma pratique me fait rencontrer tout type de gens : les personnes que je rencontre aux Marronniers ont parfois l’air bien plus solides, capables et en bonne santé que d’autres qui ne sont pas hospitalisées ! Et c’est ce que j’aime le plus en ateliers. Que les gens se rendent compte du potentiel infini dont ils regorgent. L’étonnement, tant de leur part que du mien, se recrée à chaque fois. C’est comme des lunettes magiques qui permettraient de se voir vraiment.
Entendre les gens crier, c’est toujours un bonheur. C’est un véritable coup de poignard dans nos habitudes et les masques que nous nous autorisons à porter au quotidien. C’est magnifique d’entendre des gens qui ne parlent jamais plus fort que le murmure se fendre d’un hurlement puissant à en faire trembler les murs.
Certains jeux ont l’air d’une simplicité enfantine. Le jeu du « qu’est-ce que tu fais ? », par exemple. Une personne au centre fait une action, une autre la rejoint et fait le même geste en lui demandant « qu’est-ce que tu fais ? »La première personne donne une réponse décalée tout en continuant son mouvement premier, et c’est la deuxième personne qui modifie son geste pour exécuter ce qui lui a été répondu. Exemple : je mime l’action de jouer de la trompette, la personne qui me rejoint au centre se met à en jouer également et lorsqu’elle me demande quoi, je lui réponds que je me gratte la tête ! Elle se met donc à se gratter la tête, je sors du cercle, une troisième personne prend ma place, et ainsi de suite.
On n’imagine pas combien il est difficile de séparer le geste de la parole. Cela demande une dé-coordination,et donc une très grande concentration, en plus d’une faculté d’improvisation.
Le jeu du grommelot est également très compliqué, parce que débrancher son cerveau nous est devenu quasi impossible. Une personne a dit justement que l’on retrouvait l’enfant en nous avec ses jeux. Heureusement, il n’est pas si loin qu’on le pense, mais l’adulte que nous sommes devenu le laisse rarement remonter à la surface...
Au fur à mesure, le groupe a pris en densité. Le sentiment d’être ensemble s’est accentué, permettant une écoute, une attention, un partage plus profond. J’étais extrêmement contente que chacun ait pris à un moment la décision de se laisser aller et de se prendre au jeu...
Pins 29.02/2012